Réfl'action : Acteurs et chercheurs en territoires de montagne

Journée participative: paysage et patrimoine à Glux en Glenne – 11 juillet 2017

En cette journée du mardi 11 juillet 2017, nous nous sommes retrouvés à l’entrée de l’Echenault avec des habitants du village de Glux et des villages voisins, des élus, mais aussi des techniciens du Parc naturel du Morvan, des paysagistes de l’Atelier de Paysage de Claude Chazelle, des scientifiques du groupe « Singulariser » du Labex Item, pour nous rendre ensemble sur certains lieux d’intérêt collectif identifiés par les élus de la municipalité parce qu’ils deviennent de moins en moins accessibles. Invitation lancée par la mairie de Glux   En amont de cette journée, le directeur de Bibracte, le référent du label Grand Site au Parc du Morvan et la référente du terrain Morvan au Labex Item ont apporté leur soutien à la mairie pour être à l’initiative de cette démarche. Depuis le lancement de la recherche-action participative avec l’ensemble des acteurs locaux en 2015, un moment de basculement a en effet eu lieu. Malgré les efforts pour ouvrir des lieux de production de savoirs sur le paysage aux habitants, aux socio-professionnels et aux élus, une tendance « descendante » du dispositif restait forte. Les diagnostics paysager et agricole, menés en 2016 ont impliqué la population en tant que source (enquêtes individuelles enregistrées), ou en tant que tiers avec qui l’on cherche à se concerter (ateliers paysage, réunions diverses). Cependant ils ont entretenu un rôle passif donné aux parties prenantes qui ont attendu les analyses des experts, les solutions des techniciens, les découvertes des scientifiques. L’équipe de pilotage de la démarche Grand Site a donc opté pour un renversement de posture: se positionner davantage en accompagnement pour que les parties prenantes soient elles-mêmes productrices de savoirs et d’actions. Cela demande de véritablement expérimenter la parité de participation dans le projet paysage, en restant notamment attentif aux questions des rapports de pouvoir, et en prenant au sérieux la collaboration entre les savoirs ordinaires et les savoirs experts. Cette journée de « travail en marchant » a été la première expérimentation de cette nouvelle posture. En réunion préparatoire, le maire, la première adjointe et le président de l’association du patrimoine local ont débattu des lieux qui avaient à leurs yeux un intérêt commun aux habitants du village et à l’attractivité du territoire. Ils ont identifié des sites qui leur semblent particulièrement en danger ou qui mériteraient d’être mis en valeur: Itinéraire de notre parcours pour cette journée de travail participatif Les échanges préparatoires ont rapidement fait émerger un désir d’action collective et de réappropriation du paysage ordinaire du village par ses habitants, notamment par la préservation des accès (chemins, sentiers). L’objectif principal de cette journée a donc été de trouver les intérêts communs qui lanceraient une dynamique d’actions concrètes en faveur de ces paysages ordinaires, en commençant par redécouvrir des lieux, les sortir de l’oubli en en discutant, en comparant les savoirs des uns et des autres, et programmer des travaux modestes mais qui se voient. L’équipe de pilotage de la démarche Grand Site a proposé de mettre à disposition des participants à cette journée les outils réalisés dans le cadre des différents diagnostics (présence de l’Atelier de paysage, de l’agronome, des anthropologues du Labex Item). Les élus ont insisté sur l’importance de se baser sur les exemples concrets, au plus proche des participants, et de laisser les uns et les autres rebondir sur ce qui se dirait (habitants ou experts) sans entrer dans des prises de parole formelles. Le jour J, une vingtaine de participants, habitant Glux ou les villages environnants, à noter la présence de deux agriculteurs le matin (et élus de la commune voisine), une agricultrice qui est aussi présidente de l’association pour la mise en valeur du paysage de la commune voisine, et les organisateurs. Le directeur de Bibracte venu aussi en tant qu’habitant de Glux… Au croisement de l’Echenault, nous nous approchons du départ d’un sentier qui se perd dans la friche. A cet endroit existait une auberge, lieu de repos avant de monter au Mont Beuvray, dont il ne reste que des traces photographiques. Une habitante (qui est aussi la première adjointe) nous explique son attachement pour ce chemin et la petit place qui se trouve à l’entrée (place « des quatre arbres ») où elle venait jouer, ses souvenirs de promenade jusqu’au bourg voisin, nous nous engageons sur le chemin. Le maire et le paysagiste discutent sur d’éventuels travaux possibles pour remettre le chemin en état, la première adjointe demande aux agriculteurs leur aide. Les agriculteurs nous montrent le travail qu’ils ont déjà effectué pour des-empierrer et drainer les prés de chaque côté du chemin, ils n’ont pas l’usage de ce chemin car ils accèdent aux prés par l’autre côté. Un habitant nous montre de loin l’ancienne mine d’Argentol visible depuis l’un de ces prés, où il a lui-même travaillé à partir de 1968 jusqu’à 1983: « sûrement une exploitation argentifère du temps de Bibracte ». Argentol est devenu décharge publique, puis lieu d’entraînement des sapeurs-pompiers. La question de la voie romaine est posée, à laquelle le directeur de Bibracte répond en montrant par un plan précis qu’elle se trouve plus à l’écart. Pas évident de faire se rejoindre les intérêts de chacun! Mais la discussion a le mérite de redonner du sens à ce sentier en disparition. Comme le dit l’un des participants: Le partage de souvenirs autour des lieux crée de la richesse. Chacun est un acteur par qui passe la mise en commun. C’est déjà en soi une manière d’assurer la transmission de ces paysages. Plusieurs habitants décident d’organiser d’ici la fin de l’été un chantier participatif de défrichement du chemin. Nous rejoignons le chemin du Moulin de la Chaute, de l’autre côté de la route. J’échange en aparté avec les agriculteurs pour comprendre l’enfrichement des prés au-dessus du chemin: « Je l’ai vu propre ce pré, maintenant, il y a des Vernes, il a été délaissé et plus entretenu du tout. Pourtant s’il était remis en état, il serait utilisable celui-là. Mais la remise en état coûterait trop cher. Ca ne serait pas rentable pour nous. » Les problématiques de l’économie agricole imprègnent tout le début de cette déambulation. On touche là aux conséquences de l’économie globale sur le paysage quotidien. Un habitant de Glux, lors d’un entretien individuel pendant les mois précédents, parle du paysage du Mont Beuvray comme d’une « peau de léopard », reflet d’une économie agro-alimentaire et sylvicole qui impacte durablement le bocage et les forêts. Marc Abélès montre à quel point cette dialectique est aujourd’hui subtile et comment les issues ne se trouvent ni dans une critique simpliste où la globalisation serait l’homogénéisation du social par l’économie, ni dans une posture de repli illusoire ou l’identité locale viendrait diminuer les effets économiques de la globalisation (ABELES, 2008). Dans cette tension entre mémoire, économie et paysage, comment penser les flux et mettre à profit les singularités d’un territoire autrement qu’en construisant la valeur marchande des paysages et des témoignages du passé qui les composent ? Quelle économie agricole pourrait co-produire ces paysages souhaités par ce groupe d’habitants en marche vers une ré-appropriation de leur cadre de vie? Nous découvrons le fond de la vallée après avoir exploré les restes de ce qui semble être une turbine électrique (aménagée par un noble propriétaire de Glux pour être le premier à bénéficier de l’électricité dans le village, selon les sources d’un habitant) après avoir retrouver l’ancienne meule du Moulin qui donne le nom au lieu-dit. L’agriculteur qui entretient le pré du fond de vallée nous permet d’apprécier ce très bel endroit qui serpente entre les deux monts. Les agriculteurs présents nous montrent les signes avant-gardistes de la déprise. Le directeur de Bibracte et habitant du hameau un peu plus haut ne s’y résoudra pas: Si cette vallée se referme, je serai très malheureux… Le paysagiste donne des clefs de lisibilité, il faudrait réouvrir une petit parcelle en friche, ce qui semble absurde pour les agriculteurs: Vous pouvez toujours essayer d’aller demander à l’agriculteur d’y mettre des bêtes, et s’il accepte, vous pouvez remettre ce bout en état avec vos moyens. Mais quand il faudra changer d’agriculteur, vous vous retrouverez dans la situation de départ, voire pire. Il faut du dévouement pour entretenir ces parcelles-là. Dévouement lié à la mémoire des lieux? A un intérêt autre qu’économique, dans un système d’exploitation souvent affaibli par les crises? Ce dévouement serait-il l’apanage des vieilles générations? La « pensée paysagère » comme la nomme Augustin Berque, cette « pensée sensible, vivante et agissante qui s’exprimait par de beaux paysages » (A. Berque, 2016). Quand on voit la détermination du jeune couple d’agriculteurs de Larochemillay qui, à guère plus de 20 ans, coupent les fougères pour faire la litière de leur vaches à lait… certes, « il faut que ça dure, on en a vus des originaux qui ne tenaient que quelques années » comme disent les anciens. Mais ils témoignent en tout cas d’une motivation d’aujourd’hui à valoriser les savoirs locaux (l’usage de la fougère en anti-parasitaire), tout en recherchant un sytème de production qui utilise la diversité de leur environnement comme ressource, sans négliger les avancées techniques, dans une dynamique de « fréquentation active des lieux », comme le définit le président de l’association du patrimoine de Glux: La fréquentation active des lieux est la conscience de la valeur de ce lieu pour celui qui s’y rend. Il devient alors l’un des multiples acteurs qui sera garant de sa préservation, de son accessibilité: Le père Magnin qui habitait Villechaise, quand il sortait sur le chemin ou quand il se rendait aux champs, il avait toujours sa serpette avec lui. Il coupait à chaque fois une ronce, un peu d’orties… Tout le monde faisait cela avant. C’est ce qui entretenait les chemins. Le père Magnin avec sa serpette dans la main gauche. Fonds de l’Association du Patrimoine du Pays de Glux Cela va complètement à l’encontre du principe contemporain de la propriété individuelle. Comme le fera remarquer la doctorante du Labex Item, au cours de cette journée, nous entendrons plusieurs fois les participants lier systématiquement la question du paysage, à celle de l’entretien, à celle de la propriété. Alors que la dynamique qui était en train de prendre dépassait justement ces relations pour aller davantage vers la production de « communs ». Des communs justement, sont précisément ce qu’ont produits les habitants actuels de Villechaise avec les « Corvées de Villechaise ». Ils bénéficient ensemble d’un captage privé qu’ils gèrent collectivement par le biais d’un syndicat auquel chacun cotise. L’eau est gratuite. Ce captage prend sa source dans le « Pré des Jonquilles », ancien lieu de pâturage complètement recouvert de friches depuis la deuxième guerre mondiale. Notre déplacement suivant nous permet d’observer le résultat d’une corvée: tout le tour du captage est dégagé, découvrant par là-même la partie haute de l’ancien pré. Les habitants du hameau continueront ce travail peu à peu, chacun se sentant en partie garant de l’accessibilité de la source et de la propreté de l’eau qu’ils consomment. Nous redescendons au bourg et retrouvons d’autres habitantes vers l’église du village. Héritières de deux grandes familles locales, elles racontent la foule sur la place de l’église, les messes, d’autres rappellent la hiérarchie sociale dans le village. La question de la propriété résonne encore dans cette discussion, ce bourg presque entièrement propriété de ces familles, qui étaient en même temps employeurs des fermiers et d’une partie de la population locale. Les repères chronologiques se brouillent pour ceux qui ne sont pas d’ici, certains participants maîtrisent extrêmement bien les datations des événements, alors que nous chercheurs, sommes complètement perdus, sur-interprétant sans doute plusieurs associations d’idées: mise en présence des savoirs ordinaires et des savoirs experts. Le maire explique son souhait de mettre en valeur l’ancien cimetière, faire réapparaître les pierres tombales anciennes qui affleurent sous le gazon « comme en Irlande ou en Ecosse ». En effet la place de l’église devenue un grand parking a peu d’intérêt pour les passants qui ne s’y arrêtent pas. Nous finissons notre exploration par « le Port des Lamberts », lieu-dit au nom intrigant, ancien lieu de « jetage » de troncs de bois et du démarrage du flottage à bûches perdues avant qu’elles ne soient attachées en radeaux un peu plus bas pour cheminer ainsi jusqu’à Paris et alimenter la capitale en bois de chauffage. Plusieurs habitants nous montrent des cartes postales anciennes, des traces de cette activité sur le cadastre napoléonien. Nous retrouvons en effet d’anciens ouvrages maçonnés qui semblent avoir été aménagés pour l’accélération des bûches à cet endroit de la rivière, nous retrouvons les réservoirs que l’on ouvrait pour créer un courant suffisant au déplacement de ces centaines de stères de bois. Nous suivons le sentier embroussaillé qui longe la rivière et nous sommes unanimement charmés par l’endroit. Certains évoquent les promenades en famille le dimanche, d’autres pensent au sentier qui pourrait être ouverts pour les vacanciers et randonneurs. Les traces du passé produisent la mémoire de cette technique du flottage. Le propriétaire de l’endroit a eu soin de dégager les friches pour donner à voir le site. Ainsi, notre petit groupe peut interpréter: le jeter devait avoir lieu ici, là les bûches prenaient de la vitesse. Mais comment n’obstruaient-elles pas le passage? Si l’on suit Lucie K. Morisset, cette mémoire patrimoniale est la conséquence de la manière dont on a choisi de fabriquer du patrimoine. Ici, l’action patrimoniale est en train de se faire, certains imaginent les panneaux, d’autres l’aménagement du sentier, le chargé de mission du Parc évoque une e-application pour randonneurs. Quelle mémoire patrimoniale sera produite lorsque ces réalisations seront abouties? Est-ce que cela changera la singularité du lieu, le lien des habitants au lieu? Le lien des habitants et visiteurs entre eux? Il est vrai qu’il nous semble avoir découvert l’endroit comme une récompense bien méritée après nos investigations. Retour à la mairie pour une séance de travail en salle. Un nouvel habitant me confie: C’est extraordinaire pour moi une journée comme celle-ci! Je découvre des endroits tout proches et parfaitement inconnus de la plupart des gens, je discute avec des habitants originaires du village qui me le racontent, on me propose de participer à un atelier de travail pour redonner de la valeur à ces sites. C’est très précieux… je suis ravi. Chacun participe à résumer les étapes de la journées, les enjeux identifiés pour la mise en valeur des sites repérés. Les paysagistes montrent des grandes cartes sur lesquelles figurent les zones sensibles qu’ils ont identifiées à l’échelle de l’ensemble du Beuvray. Ils montrent les fonds de vallon qui se referment et qui pourtant permettent le lisibilité de tout un ensemble paysager. La Vallée de la Chaute semble l’un de ces vallons stratégiques. Les paysagistes connaissent extrêmement bien chaque chemin, ils parlent des lieux avec les toponymes correspondant. Les habitants dialoguent d’autant plus facilement avec les savoirs experts qu’ils y entendent un vocabulaire commun. Finalement, nous faisons le point sur les chantiers collectifs à mettre en place à l’échelle de la commune. Le chargé de mission du Parc se charge de trouver les dispositifs d’aide existante, le directeur de Bibracte apporte son soutien pour les travaux qui concerne la propriété de l’EPCC, les habitants identifient leurs ressources pour le reste des travaux à réaliser. Les futurs chantiers sont listés sur une carte collaborative accessible en ligne. A l’issue de cet atelier « en marchant », le président de l’association décide en accord avec la mairie de créer une exposition sur cette journée afin de présenter la démarche aux autres habitants et aux visiteurs à l’occasion de la « Fête des myrtilles » (4-5 août). Le 4 août, l’exposition est en place. Le Président de l’association du patrimoine de Glux fait identifier des photographies du village (dates, personnes, lieux précis) et prend les adresses pour des dépôts volontaires. L’habitant arrivé depuis un an devient guide de l’exposition et raconte l’histoire des lieux telle qu’elle a été reconstituée à travers le travail collectif. Le Père Magnin devient la vedette, une photographie agrandie le montre en exemple aux promeneurs pour qu’eux-aussi pensent à prendre un sécateurs pour nettoyer un bout de ronce… Il ne pensait sûrement pas qu’il aurait cette popularité! Mais c’est nous qui construisons tout! Le photographe de Bibracte a aidé l’association à chercher dans la photothèque du centre de recherche, une connivence s’est crée autour du regard photographique à travers lequel se lit aussi l’évolution de la notion de paysage pour la société au fil du temps. On peut voir dans l’exposition la carte agrandie produite par le paysagiste Claude Chazelle. Après avoir échangé avec des résidents néerlandais et indiqué le chemin du « Port des Lamberts » à des habitants de villages voisins venus à la fête, après avoir rencontré un habitant passionné par les paysage de Glux qu’il photographie par tous les temps, les deux organisateurs de l’exposition décident de faire un temps de rencontre spécifique avec « les locaux » quelques semaines plus tard. Le 18 août, nous nous retrouvons avec les élus de la municipalité, le maire de la commune voisine, des habitants de différents hameaux de Glux qui racontent leur propre engagement personnel pour préserver leur paysage quotidien. Accueil des habitants le 18 août à la Maison des myrtilles L’objet de cette invitation est de vous parler de ce qu’on a fait le 11 juillet. On est un groupe de gens du village qui a envie de faire revivre des lieux historiques oubliés, alors on est allé les visiter. Le Parc et Bibracte soutiennent notre action ainsi que le spécialiste du paysage Claude Chazelle qui nous a donné cette carte où l’on peut observer l’avancée des fourrés et des broussailles sur nos chemins et nos fonds de vallons. Le maire nous montre la nouvelle croix qui a été sculptée par un habitant depuis le 11 juillet et qui sera replacée au croisement de L’Echenault comme cela avait été proposé lors de l’atelier de travail, un chantier d’insertion a commencé à dégager le chemin alors impraticable. La première adjointe a pris contact avec un agriculteur pour qu’il les aide à améliorer ce chemin avec son engin. Pour ceux comme nous qui étions à cette journée, ça donne envie d’aller plus loin. Nous voudrions organiser des chantiers bénévoles comme à Villechaise. Nous voudrions aussi connaître les lieux qui vous tiennent à cœur et que vous pensez nécessaire d’entretenir dans l’intérêt de tous. Les participants prennent la parole : -Aujourd’hui, on a nettoyé le chemin des Calots, c’est un chemin ancien qui relie Glux à Villapourçon. -Eh oui, c’est grâce au chemin de L’Echenault que des jeunes de Glux se sont mariés avec des filles de Saint-Prix! -Il faudrait mettre en valeur ces chemins et les signaler aux visiteurs -Pourquoi ne pas sensibiliser les promeneurs en mettant des sécateurs à dispositions dans les chambres d’hôte? -Avec mon père, on ramassait des cailloux pour boucher les trous des chemins, c’était naturel de faire ça à l’époque, on avait besoin des chemins. Aujourd’hui on est moins nombreux, alors il faut pouvoir passer avec un engin. Une vieille dame s’avance: -Si je peux me permettre d’intervenir dans la conversation, moi je connais le chemin de Glux à Villapourçon, je le prenais tous les jours: par Les Bourbas, Rangère, Le Carrouge… je peux vous montrer. La décision est prise d’intervenir lors de la formation annuelle de la Fédération bourguignonne de randonnée pédestre qui a lieu tous les ans à Glux-en-Glenne pour envisager une collaboration. La mairie organisera d’autres chantiers d’ici l’automne. Ce qui m’interpèle le plus à l’issue de la rencontre, c’est le glissement qui s’y est produit. Notre démarche a démarré autour du label Grand Site de France, qui distingue les paysages français remarquables. Peu à peu, depuis la préparation de la journée du 11 juillet jusqu’à cette rencontre entre habitants, le sujet devient le paysage ordinaire relié à la mémoire des lieux, aux traces du passé, au paysage habité par l’activité humaine au travers des siècles. La mémoire d’une activité humaine qui faisait le paysage plutôt que le défaire: volonté de donner à voir les traces de la « pensée paysagères ». Les chemins semblent en être le symbole pour tous; la promenade,  l’outil de connaissance par excellence. Je me souviens de cet échange entre la Chargée de mission Grands Sites de France au ministère et le maire d’un des villages du Mont Beuvray. La première demandait à la seconde si les habitants étaient vraiment mobilisés pour leur paysage, s’ils portaient l’esprit des lieux. La seconde de répondre que les habitants avaient beaucoup de mal à s’approprier le Grand Site, le musée…. Un label n’est pas le contenu qu’il vise à mettre en valeur. Ces habitants, lors de cette rencontre du 18 août, sont très mobilisés pour les paysages qu’ils trouvent remarquables. Ceux qui traduisent l’existence locale d’une pensée paysagère au travers des lieux aménagés par l’activité intensive des hommes du passé qui avaient cette sorte de « politesse » envers le paysage. Ces lieux sont comme les pages écrites du livre de l’histoire qu’ils continuent chaque jour d’écrire. Les chemins les relient aux autres d’hier et aux voisins d’aujourd’hui. Certes, je n’ai entendu à aucun moment les mots « grands sites de France ». Mais le sentiment d’autochtonie ne réveille-t-il pas d’une autre manière l’attention au lieu, à l’autre et au passé?   -ABELES, M., 2008, Anthropologie de la globalisation, Paris, Payot. -BERQUE, A., 2016, La pensée paysagère, Bastia, Editions éoliennes. -MORISSET, L. K., Des régimes d’authenticité : Essai sur la mémoire patrimoniale, Rennes / Québec, Presses universitaires de Rennes / Presses de l’université de Québec, 2009.    

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